Créé au 1er janvier 2020, l’Office français de la biodiversité est un établissement public dédié à la connaissance, la gestion et la préservation de la biodiversité, dans l’hexagone et en outre-mer. L’OFB y travaille chaque jour en mobilisant un ensemble d’acteurs autour de la biodiversité : collectivités territoriales, services de l’Etat, associations, entreprises, acteurs socio-économiques, organismes de recherche, citoyens…
Fort de l’engagement et de l’expertise de ses 3000 agents, l’OFB participe à relever ces défis, grâce à cinq missions complémentaires :
- la police de l’environnement et la police sanitaire de la faune sauvage;
- la connaissance, la recherche et l’expertise sur les espèces, les milieux et leurs usages;
- l’appui à la mise en œuvre des politiques publiques;
- la gestion et l’appui aux gestionnaires d’espaces naturels;
- l’appui aux acteurs et la mobilisation de la société.
« Le changement de regard sur les sols est l’une des évolutions majeures des politiques foncières en cours et à venir. »
À la croisée des chemins entre préservation de la biodiversité et gestion des territoires, l’Office français de la biodiversité (OFB) œuvre pour intégrer les enjeux écologiques dans les stratégies foncières. À l’approche des Assises Nationales du Foncier et des Territoires dont l’OFB est partenaire, François Gauthiez revient sur le rôle central du foncier dans la transition écologique, l’importance d’une vision systémique des sols et les solutions innovantes pour réconcilier développement et résilience.
Quelle place a le foncier dans vos activités ? Quel rôle jouez-vous dans les problématiques foncières actuelles ?
L’Office français de la biodiversité n’exerce pas de missions de portage ou de maîtrise foncière, à la différence d’autres partenaires de ces Assises. Pour autant, le foncier irrigue l’ensemble de nos domaines d’intervention. Comme par exemple des leviers pour :
- réduire les pressions sur la biodiversité dues aux changements d’usage, en particulier celles liées à l’artificialisation des sols, ou aux pollutions diffuses ;
- aider à atteindre les objectifs de la stratégie nationale des aires protégées, en ayant recours à la complémentarité des outils de protection réglementaires, fonciers et contractuels pour mieux préserver et gérer les espaces naturels ;
- sécuriser sur le long terme, grâce à l’acquisition ou à des outils comme les obligations réelles environnementales, des actions de restauration écologique, de désartificialisation des sols ainsi que des mesures de compensation ;
- améliorer la fonctionnalité écologique des espaces non bâtis, que ceux-ci se trouvent dans le patrimoine foncier des entreprises ou des particuliers ou dans le domaine des personnes publiques.
Autant d’opportunités pour l’OFB de se saisir des enjeux fonciers avec l’idée de favoriser, à toutes les échelles, de nouveaux modèles d’aménagement du territoire plus respectueux des écosystèmes.
Avez-vous une innovation technologique ou méthodologique à mettre en lumière ?
Oui, les solutions fondées sur la nature. Elles sont efficaces, durables et rentables face aux effets du changement climatique ainsi que face à l’érosion de la biodiversité. Certes, il ne s’agit pas d’une « innovation technologique » au sens strict du terme mais l’esprit de création se mesure aussi à la façon de penser différemment l’aménagement du territoire : privilégier des solutions fondées sur la nature compte-tenu des bénéfices qu’elles génèrent pour les territoires et leurs habitants est une orientation encore très innovante.
Elle implique en effet d’intégrer la biodiversité en amont des projets, de mobiliser des compétences pluridisciplinaires tout au long des processus et de savoir redonner de la place au vivant, en l’anticipant dans des stratégies foncières publiques et privées ambitieuses. Par exemple, en remettant à ciel ouvert des cours d’eau, en restaurant des mangroves ou des milieux dunaires, en renaturant des cours d’école ou via une meilleure gestion des eaux pluviales… Tous ces exemples, ont déjà prouvé leur efficacité dans la résilience des territoires. L’OFB, en pilotant le programme Life Artisan « Accroître la Résilience des Territoires au changement climatique par l’Incitation aux Solutions d’adaptation fondées sur la Nature », valorise ce type d’innovation territoriale.
Comment voyez-vous l’évolution des politiques foncières dans les 10 prochaines années ? Y a-t-il une évolution que vous appelez de vos vœux ?
Le changement de regard sur les sols est certainement l’une des évolutions majeures des politiques foncières en cours et à venir. A la faveur de l’objectif « zéro artificialisation nette » et d’une définition novatrice de l’artificialisation des sols, la loi Climat et Résilience nous a invités à (re)considérer les sols comme des écosystèmes vivants capables d’assurer des fonctions vitales permettant d’accueillir la biodiversité, stocker le carbone, réguler le cycle de l’eau, fournir des nutriments, …
Cette prise en compte des sols dans toute leur épaisseur est peu compatible avec une vision surfacique du foncier comme support de propriété ou d’opération d’aménagement. C’est pourquoi il est aujourd’hui essentiel d’accompagner une redirection écologique du foncier fondée sur une vision systémique des sols et de leur biodiversité. L’OFB y contribue, en améliorant la connaissance des sols et en appuyant par exemple la mise en place d’un volet biodiversité dans le réseau national de mesure de leur qualité. Il y participe aussi en informant et en formant les acteurs de l’aménagement et du foncier autour des enjeux liés à la multifonctionnalité des sols et à la biodiversité.
Pourquoi participez-vous aux Assises nationales du foncier et des territoires ?
Ces Assises nationales du foncier et des territoires, sont donc un rendez-vous important pour l’OFB. D’autant plus dans le contexte actuel car, pour réussir la transition écologique, les acteurs du foncier ont besoin de travailler ensemble pour déployer des solutions adaptées aux défis de l’habitabilité des territoires et de la reconquête de la biodiversité.
Parmi les onze thématiques des assises, laquelle vous semble la plus urgente à traiter et pourquoi ?
« Adapter nos territoires urbains au changement climatique : l’enjeu du ZAN » est évidemment une thématique qui présente un réel caractère d’urgence. Le changement climatique est déjà en train de modifier en profondeur nos territoires, qu’ils soient d’ailleurs urbains ou ruraux : s’adapter dès maintenant à ces évolutions est une nécessité. L’objectif ZAN est clairement un levier, dès la phase de la planification territoriale, pour réduire l’artificialisation des sols et donc pour accroître la résilience des territoires.
Aux côtés des collectivités, l’enjeu de l’adaptation, tout comme l’objectif ZAN, concernent tous les acteurs du territoire : associations, entreprises, citoyens, etc. Les informer, les associer et les mobiliser se révèle indispensable. C’est pourquoi l’OFB a lancé cet été une vaste campagne de communication sur la biodiversité qui traite notamment de l’impact de l’artificialisation des sols. Une initiative qui s’inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale biodiversité 2030, en collaboration avec le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Laquelle aborde le thème qui représente pour vous l’opportunité la plus prometteuse pour innover ?
« Le foncier à travers les différents temps de la compensation » peut au premier abord s’avérer un thème peu propice à l’innovation, compte tenu de l’encadrement juridique du régime de la compensation écologique. Ce thème offre pourtant l’opportunité d’innover en matière de gouvernance locale car il renvoie tant à la question de l’articulation temporelle qu’à celle des échelles territoriales.
La mise en œuvre de la séquence « éviter-réduire-compenser » implique de (re)nouer le dialogue entre les démarches de planification territoriale et de l’aménagement opérationnel : il existe déjà en matière de développement économique, il mériterait aussi d’être renforcé dans le domaine de la biodiversité. C’est d’ailleurs dans cet esprit que la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte est venue faire évoluer le dispositif des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation qui vise à accroître le développement de la compensation par l’offre, dans une logique d’anticipation et de planification de la compensation. Dans un contexte de raréfaction du foncier disponible et de forte concurrence d’usages, cette anticipation dans des stratégies foncières partagées entre acteurs publics et/ou privés devient centrale.
Tout en sachant bien entendu que la compensation écologique la plus performante est celle qui a pu être évitée. La connaissance des enjeux biodiversité afin de bien les intégrer dans la planification territoriale reste en cela une priorité : l’OFB met d’ailleurs à disposition des collectivités un outil pour les y aider, l’Atlas de la Biodiversité Communale (ABC), avec des financements renforcés par la Stratégie nationale biodiversité 2030.