Créée en 2018, la Banque des Territoires est un des cinq métiers de la Caisse des Dépôts. Elle rassemble au sein d’une même structure des expertises de conseil et de financement à destination des acteurs territoriaux pour faciliter la réalisation de leurs projets.
Elle accompagne les acteurs territoriaux dans l’élaboration et le déploiement de leurs projets d’avenir. Pour développer des territoires plus verts et plus solidaires, elle contribue à adapter notre cadre de vie aux conséquences du dérèglement climatique, réduire notre empreinte écologique, et renforcer la cohésion sociale partout sur le territoire.
« La sobriété foncière : un impératif pour un aménagement durable »
Michel-François Delannoy, directeur du Département Appui aux Territoires de la Caisse des Dépôts, nous explique comment la Banque des Territoires, bras armé du groupe, œuvre pour réduire les fractures territoriales et les inégalités sociales. En plaçant la sobriété foncière au cœur de son plan stratégique, elle s’engage à accompagner les collectivités locales dans leur transition écologique, en offrant des solutions innovantes pour l’identification, le recyclage et la renaturation des sols. Ce partenaire des Assises nationales du foncier et des territoires appelle à une mobilisation collective pour repenser les modèles d’aménagement et garantir un développement durable et équitable des territoires.
Pouvez-vous nous présenter votre organisation ?
La lutte contre les fractures territoriales et les inégalités sociales est au cœur de l’action du groupe Caisse des Dépôts. Au sein de la Banque des Territoires, organisation du groupe essentiellement tournée vers la clientèle des acteurs publics locaux (collectivités locales, sociétés d’économie mixte, organismes de logement social, professions juridiques…) nous accompagnons les acteurs sur le terrain pour le développement de territoires plus durables et plus inclusifs. Par son action, elle vise surtout à proposer des ressources pour activer des leviers de développement, en fonction des contextes et des enjeux territoriaux. Dans son plan stratégique, la Banque des Territoires a tenu des priorités autour des enjeux de la transformation écologique et la cohésion territoriale et sociale des territoires.
Quelle place a le foncier dans vos activités ?
Le foncier est le socle de beaucoup de nos interventions. Aussi, lorsque la Banque des Territoires accompagne le financement d’un projet immobilier, d’aménagement, d’infrastructure, la question du sol est sous-jacente. La préservation des fonctionnalités des sols essentielle à notre survie a été remise au centre des enjeux de l’aménagement , notamment depuis la loi Climat et résilience de 2021. Même si la question de la lutte contre l’étalement urbain préexistait, les textes qui la régissait (SRU, Alur etc.) n’intégraient pas la question de la protection des sols naturels ou la renaturation. Ce changement de paradigme incarné par le principe de zéro artificialisation nette n’est pas toujours simple et pose de nombreux défis. Cela questionne la planification territoriale autant que les moyens de mise en œuvre opérationnelle.
Nous, acteurs de l’aménagement (Banque des Territoires comprise), devons l’intégrer dans nos pratiques. Au-delà de l’enjeu environnemental auquel il répond, la sobriété foncière « embarque » tout autant la nécessité de préserver notre souveraineté qu’une certaine équité sociale dans notre manière d’aménager le territoire.
Aussi les solutions de mise en œuvre des projets évoluent, et les métiers avec. Les modèles sont repensés et, la Banque des Territoires en tant que partenaire de ces projets a dû elle aussi s’adapter. L’accompagnement des territoires dans leur trajectoire de sobriété foncière fait partie des axes d’intervention privilégiés de notre plan stratégique 2024-2028. Nous avons lancé en mai dernier une offre complète d’accompagnement en ingénierie, prêt, investissement et consignation pour outiller les acteurs dans les territoires à s’engager dans leur trajectoire. Mais nous n’en sommes qu’au début, la Banque des Territoires apporte sa pierre à l’édifice, mais il nous faut encore avancer, croiser les expériences, tester les modèles qui permettront de trouver les solutions adaptées pour « l’aménagement de demain ».
Comment votre organisation s’engage-t-elle pour intégrer les enjeux de développement durable dans la gestion foncière ?
La Banque des Territoires a intégré dans son plan stratégique la sobriété foncière comme l’une des 16 mesures prioritaires de son action à 5 ans, et a conçu un plan d’action visant à accompagner les territoires dans leur trajectoire, en mobilisant nos capacités d’intervention en ingénierie, en prêt, en investissement et en consignation.
L’enjeu est de trouver des solutions pour accompagner :
1. L’identification et la mobilisation active du foncier au service de l’intérêt général avec notamment la plateforme France Foncier +. Dans un contexte d’hyper-spéculation foncière, il s’agit de permettre aux collectivités d’accéder aux ressources foncières utiles à la mise en œuvre de leurs politiques publiques d’intérêt général.
2. La massification de la réalisation de projets de recyclage urbain abordables et qualitatifs. Il s’agit de permettre aux collectivités de penser et mettre en œuvre, notamment via des entreprises publiques spécialisées, des opérations complexes de recyclage urbain afin de renouveler et développer leurs offres en matière d’immobilier résidentiel, économique, d’infrastructures et d’équipements publics. Les initiatives privées exemplaires seront accompagnées.
3. L’accompagnement de manière massive de la désartificialisation, et de la renaturation des friches et sols dégradés. Il s’agit d’apporter nos moyens et nos savoir faires uniques au service des politiques publiques à venir de désartificialisation et de renaturation.
Pour cela, dès 2023, la Banque des Territoires a fait évoluer sa doctrine d’intervention pour proposer des outils facilitant la mise en œuvre des politiques de gestion foncière à court, moyen et long terme et intervenir aux côtés des acteurs territoriaux et privés dans des structures de portage foncier à long terme. Cette modalité d’intervention offre une alternative nouvelle aux acteurs publics notamment pour assurer la maitrise à long terme des fonciers qu’ils jugent stratégiques et sur lesquels ils souhaitent garder la capacité à agir à moindre risque spéculatif.
Suite à son évolution, le prêt Gaïa territorial permet désormais de financer l’acquisition ou le réaménagement de fonciers artificialisés à recycler ou de fonciers naturels, agricoles et forestiers à protéger dans de très longues maturités (40/60 voire 80 ans).
Le public des assises est très hétéroclite (politiques, acteurs institutionnels, grands propriétaires, aménageurs, acteurs de la promotion et la construction, bailleurs sociaux, acheteurs et investisseurs, associations, chercheurs et universitaires…). Quel message souhaitez-vous faire passer aux participants des Assises nationales du foncier ?
Le contexte actuel pousse les acteurs à concevoir des plans d’action à long terme intégrant une somme d’enjeux extrêmement variés (économiques, démographiques, sociaux, environnementaux…) et à faire évoluer leurs pratiques en matière d’aménagement. Les acteurs publics sont ainsi plus actifs dans le domaine de la maîtrise foncière, cherchant à innover pour élaborer des modèles financièrement soutenables : développement du recours à des opérateurs publics et privés en capacité de mener à la fois des opérations de portage foncier anti spéculatifs de moyen-long terme, réaliser des opérations complexes de recyclage foncier ou encore porter davantage de projets de renaturation/restauration de milieux ou compensation.
Si la loi Climat et résilience et sa déclinaison pratique (loi ZAN de juillet 2023) ont permis de poser un cadre réglementaire pour la mise en œuvre des trajectoires de sobriété foncière, il nous faut mobiliser les outils existants et en concevoir de nouveaux afin de définir les modalités opérationnelles de conception et de déploiement des projets au service de politiques publiques portant ces trajectoires. Pour cela, la Banque des Territoires se tient à vos côtés et mobilisera ses moyens pour vous accompagner.
Parmi les 11 thématiques des parcours des assises nationales du foncier et des territoires, laquelle vous semble la plus urgente à traiter?
« Pas de stratégie foncière territoriale sans prise en compte de l’eau ». Il est essentiel de prendre en compte divers aspects : La gestion de la disponibilité de l’eau potable, de l’assainissement et la gestion des eaux pluviales (y aura t’il suffisamment d’eau pour les populations et activités que l’on envisage, comment d’adapter, quels sont les risques inondation, assainissement etc…). Mais aussi de Protéger les milieux et la ressource impactés par nos activités.
Laquelle vous parait centrale ?
La fiscalité : un mode de financement des stratégies foncières et des projets ?
Le financement de la sobriété foncière doit absolument être traité. La crise du logement comme la politique de réindustrialisation mettent en évidence la permanence d’un besoin en foncier, de sorte que le prix du mètre carré sera inéluctablement accru par la raréfaction progressive du sol constructible et aménageable qu’introduit la trajectoire ZAN du pays. Des surfaces artificialisées devront être renaturées, processus coûteux et difficile à financer. La limitation de l’artificialisation aura également des conséquences sur les recettes fiscales, ainsi que sur le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Et la question de la fiscalité y est centrale. Aujourd’hui fortement artificialisante, il faut adapter les mesures pour inciter au recyclage urbain et non à l’étalement, favoriser la préservation du bati etc…
Laquelle résonne le plus avec les défis que votre organisation rencontre actuellement ?
Toutes ! Car nous ne pouvons travailler qu’en ayant une vision globale des enjeux. Même s’ils peuvent être priorisés, tous doivent être traités. Nous œuvrons pour l’intérêt général en veillant à conjuguer cadre de vie durable, et cohésion sociale et territoriale.